Comment avez-vous commencé à collaborer tous les deux ?
F & Y : On s’est rencontrés à Mains d’Œuvres, un lieu de création à Saint-Ouen, où nous étions tous les deux en résidence. On devait travailler ensemble sur un projet, mais le covid a contrecarré nos plans ! On est restés en contact et on a créé ensemble une première histoire illustrée, “Le ver de tête”, qu’on a envoyée à Luna, l’éditrice de La tête ailleurs. Elle nous a dit qu’elle serait intéressée pour nous faire travailler ensemble sur un autre projet à créer pour la collection Déambule.
Comment s’est passée votre rencontre avec Luna, éditrice de La tête ailleurs ?
Y : Nous nous connaissons depuis 2018. Je faisais un voyage photographique en Seine-Saint-Denis et Luna m’a proposé d’éditer le livre photo "Salade de racines".
F : C’est Yvan qui nous a présentées. On a fait plusieurs sessions de travail au 6b, à Saint-Denis, et le projet s’est construit petit à petit, avec les retours de chacun et l’accompagnement bienveillant de Luna.
Yvan, comment t’es venue l’idée d’« Être soleil » ?
Y : Je voulais travailler sur le rapport qu’ont les enfants au monde : en apparence, tout leur glisse dessus et ils arrivent à affronter toutes les situations (plus tard, on paye le psy, haha !) C’est un mélange de mes souvenirs d’enfant qui souriait à tout et ce que je peux observer aujourd’hui chez d’autres enfants.
Fanny, quelles ont été tes inspirations pour illustrer « Être soleil » ?
F : Je voulais trouver un équilibre entre une représentation poétique du texte d’Yvan et quelque chose d’assez ancré (qu’on reconnaisse éventuellement des endroits de la ville de Saint-Denis). Les travaux très sensibles de Jean-Michel Folon et de l’illustrateur Brecht Evens, qui travaillent eux aussi à l’aquarelle, sont une grande source d’inspiration.
Comment avez-vous procédé pour travailler et faire fonctionner votre binôme auteur/illustratrice ?
F : Nous avions l’idée d’une histoire simple et poétique. Yvan a vite écrit une première version, qui a été notre base de travail. On l’a remodelée pour trouver le ton juste et créer le livre que nous voulions, à trois. On a ensuite beaucoup discuté autour du découpage, à partir de storyboards que j’ai adaptés au fil des retours.
Y : Petit à petit, le texte a rencontré les illustrations et ils se sont modifiés et adaptés entre eux.
Fanny, la technique de l’aquarelle est particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de faire des retouches, quelle a été ta manière de procéder pour revenir sur certaines de tes planches lorsque cela était nécessaire ?
F : J’ai fait beaucoup d’essais et d’esquisses, car il vaut mieux passer à l’aquarelle quand on a une idée bien précise de l’illustration souhaitée !
Heureusement, au besoin, les logiciels permettent quand même de corriger les faux pas et de retravailler les aquarelles une fois numérisées.
Est-ce que c’est la première fois que vous écrivez et dessinez pour la jeunesse ?
F : Oui, moi c’est la première fois que j’illustre un livre jeunesse édité !
Y : Il y a eu un essai précédemment avec “Le ver de tête”, qui n’est pas édité pour l’instant, mais qui existe.
Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans le fait de représenter la période de l’enfance ?
F : J’aime bien fouiller dans mes propres souvenirs, m’inspirer de certaines scènes. Par exemple, la cabane est un clin d’œil à toutes celles qu’on a pu échafauder avec ma sœur !
Y : J’ai eu l’impression de ramener des sensations au présent, ou plutôt des souvenirs de sensations.
Fanny, pourquoi avoir choisi de représenter les personnages sans détails de visage ?
F : C’est quelque chose que j’ai toujours fait. Je préfère jouer avec les mouvements des corps qu’avec les visages. Et puis je ne dessine pas de « traits » dans mes dessins, donc les visages sont représentés comme les autres « surfaces » du dessin. L’enjeu pour « Être soleil », c’était d’avoir des enfants expressifs malgré tout et qu’on ne pense pas qu’ils ne ressentent pas d’émotions, au contraire ! Donc je leur ai quand même fait des sourires !
Que représentent pour vous les pépites jaunes dans le livre ?
F : J’aime bien que chacun y mette ce qu’il veut, mais l’idée c’est qu’on rend visible quelque chose de la magie de l’enfance. Pour moi ce sont des billes de joie et d’insouciance, un filtre de légèreté sur le quotidien.
Y : Les pépites jaunes sont cet enchantement du monde par les enfants !
L’histoire se passe dans une ville, est-ce que cet aspect-là est important pour vous ?
F : Oui, la ville est le décor principal de l’histoire. On voulait un cadre avec des formes urbaines. C’est la grille de départ et peu à peu elle se transforme en terrain de jeu. L’idée c’est que l’on peut « être soleil » partout, même quand notre environnement est un peu gris. La nature est également présente, notamment à travers la scène au parc, qui représente un morceau du Parc de la Légion d’Honneur à Saint-Denis. Dans l’histoire, la nature est un prétexte au jeu et une source de joie.
Y : Enfant, j’ai grandi à la campagne, donc il a fallu me projeter. Cette histoire pourrait se dérouler à la campagne, mais le cadre changerait sûrement beaucoup de choses !
Quels conseils pourriez-vous donner pour qu’à notre tour nous soyons plus « soleil » ?
F : Rester curieu·x·se de tout ce qui nous entoure !
Y : Je crois que la clef, c’est d’essayer de sourire.