Quelle est l’histoire de votre rencontre ?
Zoé : J’habite à Saint-Denis et je travaille à la Briche, un lieu regroupant des ateliers d’artistes et d’artisans d’art. Avec Luna, on s’est rencontrées à la Foire des savoir-faire solidaires de Saint-Denis il y a 10 ans, un marché de Noël de créateurs où nous tenions chacune un stand.
Luna : J’ai tout de suite beaucoup aimé l’univers artistique de Zoé. Les thèmes de ses illustrations autour de la ville et des toits rejoignent les miens et ceux de la ligne éditoriale de La tête ailleurs. Nous avons d’abord commencé à travailler ensemble sur des ateliers de sérigraphie avant de se lancer sur ce projet de livre.
Comment avez-vous eu l'idée de ce livre jeunesse ?
L : Ça faisait déjà quelques années que l’idée de faire un livre avec Zoé en tant qu’illustratrice me trottait dans la tête. On en a parlé quelquefois, l’envie était là, mais sans qu’il y ait de projet concret. J’ai alors décidé de m’inspirer de son univers artistique pour écrire une histoire sur mesure avec des chats, des oiseaux, des toits et la ville !
Et toi, Zoé, qu’est-ce qui t’a donné envie de faire un livre avec La tête ailleurs ?
Z : Je travaillais avec La tête ailleurs pour des ateliers et je voulais depuis un moment faire un livre d’illustrations. Comme on s’entend bien avec Luna et que le projet m’intéressait, j’ai eu très envie de participer à ce projet !
L’espace urbain n’est pas forcément toujours très présent dans les livres pour enfants. Selon vous, peut-il être une source d'inspiration ?
Z : Oui, pour moi, la ville est une source d’inspiration, dans mes gravures, mes sérigraphies, mes illustrations, et je suis très attachée à la ville de Saint-Denis qui m'a directement inspirée pour ce livre.
L : La ville – et plus spécifiquement la ville de Saint-Denis – est au cœur de mon travail, aussi bien en tant qu’artiste qu’en tant qu’éditrice pour La tête ailleurs. L’univers urbain est complexe, il regorge de tensions et de problèmes, mais aussi de poésie. Je trouve important que les livres jeunesse soient ancrés dans cette réalité ou qu’au moins ils s’en inspirent.
Zoé, tu as longtemps pratiqué la sérigraphie. Pourquoi avoir choisi une technique différente pour ce livre jeunesse ?
Z : Je pratique toujours la sérigraphie ! Mais comme ce livre était accompagné par une maison d’édition et que je n’avais pas à en gérer l’impression, je trouvais intéressant d’utiliser une technique qui ne s’imprime pas en sérigraphie. J’ai donc réalisé des dessins à l’encre, avec trois couleurs : jaune, bleu et noir.
Pourquoi il vous semble important d'aborder le sujet de la pollution avec les enfants ?
L : J’aime bien quand les histoires pour enfants proposent un univers oscillant entre imaginaire et sensibilisation sociale ou environnementale. C’est le monde dans lequel on évolue : il y a de la place pour la poésie, mais c’est important aussi de parler des problèmes. La pollution en ville est un sujet qui me tient à cœur, car elle impacte directement ses habitants, notamment les enfants qui souffrent souvent d’asthme dans les grandes villes. Dans Le Chat qui voulait voir les étoiles, c’est le sujet de la pollution lumineuse qu’on a voulu aborder, parce que c’est très présent dans le quotidien d’un habitant d’une grande ville : il y a la publicité lumineuse dans le métro, les enseignes des magasins, l’éclairage public… Et l’absence des étoiles qui en résulte !
Pourquoi avoir adopté le point de vue d'un animal pour aborder la thématique de la pollution ? Et pourquoi avoir choisi un chat plus particulièrement ?
Z : Parce que j'aime dessiner les chats, et j'ai deux chats à la maison qui m'ont servi de modèle, j'étais très enthousiaste à l'idée de les mettre en scène.
L : C’est venu tout naturellement : on avait envie que l’histoire se passe la nuit, sur les toits. Le personnage du jeune chat est arrivé tout de suite et on a imaginé qu’il rencontrait d’autres animaux dans sa quête vers les étoiles.
Au-delà du sujet de la pollution, quel message avez-vous voulu transmettre par la symbolique des étoiles ?
L : Je pense que pour moi le ciel et les étoiles constituent un réservoir poétique. C’est inaccessible, immense, mystérieux. L’envie d’un jeune chat de voir les étoiles, c’est un peu une métaphore de la curiosité, de l’envie de découvrir le monde, de croire en ses rêves.
Z : Les étoiles, ça brille, c'est beau et c'est aussi la connexion avec l'univers qui se produit lorsqu'on les observe.
La quête du chat se forme sur une suite de rencontres, chaque animal confiant sa propre vision du monde. Était-il essentiel pour vous de mettre en avant l'importance des échanges avec autrui ?
L : Oui, c’était un élément important quand on a imaginé ce livre. On avait envie que le jeune chat rencontre des oiseaux avec des personnalités différentes, mais qui allaient d’une manière ou d’une autre le faire avancer dans sa quête.
Le vieux matou est un peu plus distant avec lui, mais il y a quand même de la bienveillance dans leur relation.
Z : Les échanges avec autrui sont une forme d'apprentissage, le jeune chat rencontre des oiseaux qui volent et qui sont plus proches du ciel, ils ont donc quelque chose à apporter au jeune chat qui a les pieds sur terre et qui est intrigué par le ciel.
Avez-vous rencontré des difficultés durant l'élaboration de ce livre jeunesse ?
Z : Nous avons rencontré une difficulté pour scanner les illustrations et avoir des couleurs proches des dessins originaux.
L : Nous avons donc fait appel pour la première fois à un photograveur, RVB, basé à Montrouge. Ils nous ont aidées à ce que les couleurs du livre soient les plus proches possibles des originaux. Nous avons découvert un nouveau savoir-faire, c’était très enrichissant !
Y a-t-il des clins d’œil à Saint-Denis dans le livre ?
L : Il y a toujours des clins d’œil à Saint-Denis dans les albums de La tête ailleurs !
Z : Sur une des planches, j’ai voulu regrouper différents lieux avec des ateliers d’artistes qui sont menacés de fermeture ou d’expulsion : La Briche, L’Orfèvrerie, le 6b et les Bateaux-Lavoirs. À vous de les reconnaître !
Propos recueillis par
Mélissa Hafhaf & Bonnie Lobry